Poetic-Verses from ATHANASE

CHOSROÈS ET CHÎRÎN  (French)



« Ecoutez la voix du vent dans la nuit »

          O. V. de L. Milosz,          
          Chanson d'automne

Il n'est amour plus triste que l'amour tragique
De la splendide Chîrîn et Chosroès le Preux,
Elle, fleur de l'Arménie, lui, surgeon heureux
Des Sassanides glorieux, empereurs, soldats, mystiques.

Ô Muse, remplis mes yeux de grains de grêle brûlants
Et de raisins amers, ma bouche flamboyante
Pour que, rendu sanglot, je danse saignant et chante
Leurs vies entrelacées trempées de fleuves de sang.

Pour dire les neiges rosées qui couvrent de caresses
Le tendre Ararat, ami des sept cieux,
Et les étreintes ardentes que leur amour de feu

A imprimé sur l'âme des herbes enchanteresses !
Ô strophe, exalte Chîrîn gisant sur le tombeau
De son amant frappé au cœur par un corbeau.

          Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 20 juin 2006  - la clinique de Turin, rue de Turin, à Paris

Glose :

Chosroès (variante grecque du nom perse Khosrô) et Chîrîn : roman en vers, riche de 6 500 distiques (bayt en persan) du grand poète  Nezâmî (1140-1206).  On peut brièvement résumer l'intrigue de cette antique légende. Le jeune prince persan Chosroès (le futur roi Khsrô II Abharvez, fils d'Ormizd IV, qui régna de 590 à 628) a pour familier le noble Châpour, un peintre de renom ; celui-ci ne cesse de faire l'éloge de la jeune, belle et brillante princesse arménienne Chîrîn. Intrigué, Chosroès envoie Châpour en Arménie à la recherche de la belle Chîrîn. L'habile peintre fait à trois reprises le portrait du prince et Chîrîn en est profondément troublée. Chîrîn part, sur son cheval Chabdîz, à la recherche de Chosroès. Ce dernier apprend la mort de son père. Il monte sur le trône, mais l'usurpateur Bahrâm, un général, le met en déroute. Chosroès en fuite séjourne quelque temps au palais de la mère de Chîrîn, reine d'Arménie. Il se rend ensuite à Byzance où s'est réfugiée Chîrîn ; elle refuse toutefois ses avances tant qu'il n'aura pas chassé Bahrâm du trône usurpé. Chosroès finit par vaincre Bahrâm grâce à l'aide des Byzantins. Remonté sur le trône de Perse, il épouse la princesse byzantine Maryam. On devine le chagrin de Chîrîn laquelle devient, peu après, à son tour, reine d'Arménie. Après la mort de Bahrâm, un banquet a lieu au cours duquel la musique du grand musicien Bârbad ne fait que renforcer les sentiments et les regrets de Chosroès à propos de Chîrîn. Le roi envoie de nouveau son ami Châpour en Arménie. Mais Chîrîn refuse de venir. C'est alors qu'intervient l'épisode de la passion malheureuse de l'architecte et sculpteur Farhâd pour Chîrîn. Celle-ci, touchée par l'amour de ce beau jeune homme, lui rend visite, ce qui ne manque pas d'exciter  le courroux de Chosroès. Le roi de Perse fait croire au malheureux Farhâd que Chîrîn est morte, si bien que, plein de désespoir, celui-ci se donne la mort. Maryam, la femme byzantine de Chosroès meurt. Le roi entend parler de la belle persane Chakkar ; il vient la voir à Ispahan et l'épouse. Chîrîn en conçoit grand dépit. Elle invoque le Ciel. Sa prière est exaucée. Chosroès arrive, sous prétexte de chasse, à Qasr Chîrîn (le château Chîrîn). Chîrîn se laisse fléchir par Chosroès et leurs noces sont enfin célébrées à Maïdan (Ctésiphon), la capitale des Sassanides. Chosroès est assassiné par le fils qu'il avait eu de Maryam, Kavad II dit Chîroé, alors qu'il était endormi auprès de Chîrîn. Découvrant la mort de son époux, Chîrîn repousse les avances de Chîroé et met fin à ses jours sur le tombeau de Chosroès. Sassanides : dynastie iranienne originaire du Fârs, qui renversa celle des Parthes arsacides et créa un vaste Empire s'étendant du Khorossan  jusqu'à la Mésopotamie (226-651). Le plus grand des Sassanides fut le roi Khosrô Ier Anocharvan, célèbre autant par sa sagesse proverbiale que par le raffinement  de la civilisation de son temps. Il régna sur la Perse de 531 à 579. Il est le père d'Ormizd IV et grand-père de Khosrô II, celui de mon poème.
 
Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz (Czereïa, Biélorussie  1877 – Fontainebleau 1939) : poète et écrivain français d'origine lituanienne. Milosz, descendant d'une noble lignée, passa son enfance dans le domaine ancestral. Vers 1889, sa famille s'installa à Paris. Milosz fit ses études au lycée Janson. Il s'initia ensuite aux écritures assyriennes, araméennes et hébraïques, menant par ailleurs la vie de bohème. Libre et riche depuis la mort de son père, Milosz voyagea par toute l'Europe. Il connut les principaux auteurs français, anglais, allemands, russes et polonais. Il avait des vastes connaissances des littératures anciennes, et la Bible et Platon ne quittèrent jamais sa table de chevet.
Ses débuts poétiques se firent sous l'influence du symbolisme  (Poème des décadences, 1899), mais il devait, à la suite d'une illumination mystique (1914), orienter son œuvre et sa pensée vers la recherche d'un absolu. La quête du divin est déjà sensible dans un roman, L'Amoureuse Initiation (1910), et dans un drame, Miguel Manara (1913). Mais c'est avec des œuvres d'inspiration mystique (Epître à Storge, 1917 ; La Confession de Lemuel, 1922 ; Ars Magna, 1924 ; Arcanes, 1927) qu'il atteignit les sommets d'une expérience poétique devenue mode de connaissance et unique accès à la seule réalité susceptible d'arracher le poète à une solitude désespérée. Autres ouvrages et traductions : L'Apocalypse de saint Jean déchiffrée (1933) ; Chef-d'œuvres lyrique du Nord (1912) ; Daïnos (1928) ; Contes et Fabliaux de la vieille Lituanie (1930).

Ararat (mont) : massif volcanique du Royaume d'Arménie, appartenant aujourd'hui à la Turquie, point culminant du pays (5 165 m). Le nom, vocalisation massorétique d'Urartu, désigne dans la Bible (Genèse, VIII, 4) le pays où s'arrêta l'arche de Noé à la fin du Déluge.
Massorétique (adj.) : de l'hébreu massorah, « transmission ». Le texte hébreu de l'Ancien Testament est souvent nommé texte massorétique. Il est l'œuvre des massorètes, savants juifs qui durant plusieurs siècles (surtout du VIIe au XIe siècle) assurèrent la transmission (massorah) du texte Biblique. Assurer cette transmission au cours des siècles n'était pas chose facile. En effet, en hébreu, comme dans les autres langues sémitiques, on ne note que les consonnes. La lecture est d'un usage assez facile, tant que la langue est couramment parlée. Les difficultés ont commencé à poindre lorsque peu à peu l'hébreu a été remplacé par l'araméen. Les scribes ont alors commencé à employer des lettres appelées « matres lectionis » (mères ou guides de lecture) qui, au nombre de quatre servaient à indiquer les voyelles, donc la prononciation. Mais des ambiguïtés persistaient dans l'interprétation des textes écrits. L'Arménie est un pays chrétien. Son roi Tiridate III proclama le christianisme religion d'Etat en 301. L'Arménie devint ainsi le premier royaume au monde officiellement chrétien. Grigor, le premier catholicos (pasteur suprême), fut sanctifié sous le nom de Grégoire l'Illuminateur, d'où la dénomination erronée d'Église grégorienne pour qualifier le culte arménien. Dans la foulée, les Arméniens abandonnèrent l'écriture grecque pour utiliser leur propre alphabet, inventé par Mesrop Machtotz.


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