Poetic-Verses from ATHANASE

LE SOL DE TERRE BATTUE (French)



I.

Mon enfance, tu as connu le sol de terre battue !
Ah, comme tu en avais honte, honte, honte !

(Ô sol de terre battue, tu es
Tout ce qui me reste des blessures aimées de l'enfance,
Avec toutes ces voix qui te peuplaient !
Comme il est grand le mystère de la mémoire amoureuse :
Un cri de coucou,
Une mouche qui chante autour d'un fruit !
Des bruissements des petits insectes et de l'âme,
Qui devient lentement la musique immortelle de l'enfance !
La paix des semences étoilées sur le visage de l'eau,
Des larmes qui coulent de la fenêtre
Trop grande pour mes yeux !)

D'où vient le temps âme,
Où il va, âme ?

II.

Oui, après la vaste maison familiale
D'où le temps furieux nous a chassés,
Après les sols de marbre, ce sol de terre battue !

Et cette honte au bout des doigts,
Honte, honte, honte,
J'en avais tellement honte.

Mais là, ô mon âme,
Du lit posé sur le sol de terre battue
J'observais, les nuits de grand calme,
Au clair du rêve,
Avec un cœur aussi vaste que l'univers,
Aussi large que l'amour
De tous les hommes de tous les temps et pays,
J'observais les grandes étoiles parsemées comme des yeux bleus
Sur le malachite du ciel !

Ô ma mère, là, jusqu'au bout de la mort !
Havre de la maison, au fond de la nuit ruisselante!

III.

Non, je ne dormais pas par émotion,
Par envie de ne rien manquer
De la conversation des astres,
Des métamorphoses de l'espace,
De la mouvance singulière des pensées
Dans la roue périlleuse des désirs
Qu'était devenue ma chambre d'enfant !

(Le grand étang métaphysique des légendes
Où vivent dans une insouciance désinvolte
Canards de toutes sortes, grenouilles audacieuses,
Poissons frétillants, jardiniers habiles
Aux muscles tendus dès avant l'aurore
Vers une communion essentielle
Avec le cœur des roses!)

Air palpitant, laisse flotter la blancheur
Des tourterelles. Eau qui murmure sous
Les feuilles des bardanes !

IV.

Sous le lit posé directement sur le sol de terre battue
Il y avait tout le chant intime de la terre :
J'entendais, âme innocente,
Des sources d'eau frémir au toucher des bouches des amants,
Des fleuves souterrains bouillants
S'acharner à laver les entrailles de la terre,
Je voyais d'immenses flammes courir de grotte en grotte
Et purifier les palais cachés des dieux !
Alors que dans le vaste jardin
Qui entourait notre nouvelle maison,
Les saisons allaient et venaient
Amenant dans leurs bras des fleurs, des fleurs par jonchées
Des fruits, des oiseaux, des papillons, des feuilles mortes
Et la neige éblouissante de beauté !

(Mots gardiens des lois,
Lucarnes ouvertes sur le rêve,
Guirlandes de syllabes suspendues au plafond,
Verbes cernés de cerises, orné de grappes de vigne !)

Quelque part, quelque part, âme,
Un homme amoureux ouvre une chambre vide !

V.

Oui, âme de mon enfance,
Il y avait déjà la Vérité dans mes yeux,
Toute la Vérité prête à devenir poésie,
Abîmes de joie, forêts d'espérance.

Et tout cela était si tangible,
Si réellement exact !

Ô sol de terre battue,
Comme tu vis, comme tu vibres à présent dans mes veines !
Comme tu donnes un sens à ma vie de vieux monsieur !
Comme tu m'apportes la nuit l'infini réconfort
De la grande innocence !  

Ah ce frissonnement sourd du soir
Sous la scintillante surface des mots !

VI.


Ô sol de terre battue que je sais à présent plus réel que la réalité,
Que le bruit de la voisine qui
Ne quitte plus sa machine à coudre,
Tant elle a peur de la misère,
Que l'aboiement du chien de la cour d'à côté
(Ce chien qui déchire mon cœur de ses longues complaintes !)
Que la vieille dame du deuxième étage, la folle vieille dame
Qui, la nuit, appelle son fils mort voilà   des années !

Quelque chose en nous toujours plus clair !
Azalées mouillées d'étoiles !

VII.

Ö sol, tout ce qui a été est toujours,
C'est la même vie,
La vie même, abondante, pleine, inépuisable !

Joie et pleurs dans l'immense paix
De mon long crépuscule !

Le rouge est le sang des suppliciés pour le Christ
Comment te dire, ô mystère de la Beauté !


          Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 4 mai 2007
 


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