Poetic-Verses from ATHANASE

NON, LE POETE NE PEUT PAS MOURIR (French)


NON, LE POETE NE PEUT PAS MOURIR
 
                    (In memoriam)

A Jaime Choque Mata

« En todo hay una palabra
que duele mucho:
!ADIOS! »

( « Dans tout mot qui fait très mal
il y a un :
ADIEU! »)

Terezinka Pereira

I.

Colombe, douce colombe,
Pose tendrement tes pattes roses et fragiles
Sur l'herbe délicate qui pousse
Sur la terre légère de cette tombe !

C'est là, colombe élégante, c'est là
Que dort à présent, le Poète
Jaime Choque Mata,
La voix la plus pure,
La voix la plus cristalline de Bolivie !

Une brise passe,
Un pétale de pêcher se détache
Avec la grâce d'un papillon.

II.

Viens ce jour de mai, âme de clarté,
Poète, doux cœur d'un peuple
Que tu as aimé jusqu'aux profondeurs
De la plus mortifère des douleurs !

Viens, âme sonore, avec moi
Et nous visiterons
Les sept îles de l'Amour !

Le feu de ton cœur tombera sur les livres
Et les brûlera d'affection !

Une branche parle à une autre branche,
Une étoile fait signe
A une autre étoile,
Deux hirondelles côte à côte
Dans la chaleur de leur nid.

III.

Non, le temps ne peut éroder ta bonté
Ni la neige ensevelir tes paroles !
Ton silence sur ma joue, âme,
Est une suave huile d'amande !

Ô, Amour, toi qui sais
Ce qui est caché en chacun,
Toi, soleil au cœur du jour aérien,
Dis à Jaime, à mon frère en tendresse,
Ma dévotion exaltée.
Toi, le plus digne des hommes,
Toi, l'Ami véridique des cœurs tristes !

Ô pauvre mésange blessée,
Si tu savais parler
Qui aurais-tu appelé à ton secours ?

IV.

Viens, joins à ma lèvre le souffle ensoleillé
De ta bouche !

Comme le cœur de la rose apparaît
Dans le parfum,
Ainsi ton cœur s'est déversé dans tes poèmes !

Ah ! Comme le mot Amour
Devient clair dans ton sourire !
Comme il résiste au glaive du temps
Qui tranche notre vie !

Devant sa maison misérable,
Une vieille femme dort,
Un petit chaton appuyé contre
Sa joue ridée.

V.

Ô voix andine, voix transparente
Qui parle nûment au ciel lumineux
De Bolivie !

Il y a dans tes mains cent rectitudes !
L'œuvre du juste
N'est-elle pas pur émerveillement ?
Toi qui as brûlé comme une phalène
Qui veut embraser le feu sacré de ta patrie !

Dans la douce clarté de la maison,
Une très vieille chaise bancale
Du temps de ton grand-père,
Tu soupires ! Ton cœur s'effondre.

VI.

Parle-moi, Jaime, rafraîchis
Le jardin de mon âme
Comme la pluie rafraîchit
Les herbes des prairies !

Entre ta parole et la mienne
Il y a le fleuve de l'éternel printemps !
Laisse ce jour l'ombre du faucon
Courir sur cette terre qui
Devint diamant dans ta pensée !

Fleur d'acacia précoce
Dans le bleu velours du ciel
Bolivien !
Fleur soyeuse d'acacia !

VII.

Fulgurance des mots, brillance du poème !
Mots puissants, altiers, frondeurs, bagarreurs !
La splendeur de la foi,
Les sortilèges de la passion !

Le mausolée lumineux de tes yeux
Visionnaires des profondeurs !
Toi, Jaime des Andes,
Toi qui as fait parler
Les profondeurs de l'histoire
Avec l'exaltation d'un prophète
Dans des vers hallucinatoires,
Electriques, syncopés.

Une fleur appuie sa joue
Contre une autre fleur,
Douce affection !
Le mois de mai !

VIII.


Ô inquiétude calme des nuits de La Paz,
Le temps qui dort dans ta belle langue espagnole
Est beau comme les narcisses sauvages
De Bolivie !

Silence dans la vieille maison,
Rideaux oubliés fermés aux fenêtres,
Il est temps d'admirer la solitude !

IX.

A présent, tu appartiens, frère,
A ta demeure éternelle
Et à ton nom !

Comme Abraham,
Trouve dans le sang de ta terre
Des cyprès et des jasmins,
Des murmures d'enfants
Et le chant d'une jeune fille !

Ô mon Dieu, toi qui nourris
De ton souffle l'eau des rivières
Et le sang dans mes veines,
Nourris à présent de violettes la mémoire
Du Poète !
Couvre son âme de blasons, d'hiéroglyphes,
De poèmes à déchiffrer,
De mots et de caractères à découvrir !

La blancheur des draps frais,
La lune dans leurs plis,
L'odeur des êtres que j'aime !

X.

Tu le sais, frère,
Le voyage intérieur
Court et au-delà des cieux !
Cet effacement divin,
Cette ivresse inconnue,
Cet anéantissement
Dans le cœur de ton peuple !


Ô douleur, fais-moi vivre ce jour
D'endormissement de l'ami
Dans toute l'épaisseur du regard
Qui me sépare de son visage !
Un goutte de pluie sur le toit,
Une autre goutte,
Sans cesse je pense à toi !

XI.

Et cette oscillation
Entre le regard et le geste !

Toi, maître sublime
De l'algèbre essentielle
De ta langue !
Toi qui as saisi toutes les nervures,
Tous les replis secrets
De ta pensée !

Dans les fentes intimes
Du temps,
Un souffle irrésistible
De renouveau !

XII.

Ô peuple aimant de Bolivie,
Remplis-toi à présent
De l'absence du poète
Qui a fait de son cœur ta barque de salut !

Ô colombe, chante,
Fais se profiler parmi les herbes,
Plus claire,
Plus rayonnante
La beauté
De son âme !

Chante celui
Qui a fait de son être
Une cime de vertige
Où librement vacillent
Les frontières de l'âme !

Il a traversé les saisons
Toutes les saisons de l'amour,
Le poète de lumière !

Je crois à l'éternité
Au vent immortel
Qui caresse les tiges
Des jeunes blés !

Ô quand vient l'été,
Quand vient l'été
Tout devient bleu.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, Pâques, le 23 mars, Anno Domini MMVIII

Glose :

Terezinka Pereira : poète brésilienne, professeur de littérature portugaise à l'Université de Colorado (USA).

Jaime Choque Mata (1927-2008) : poète, professeur et journaliste bolivien. Il est l'auteur de : Anthologie du Rêve, Orage (Prix National de Poésie 1963), Recueil de poésies lyriques de Condors, Soupir de Pierre, Source de Feu et d'une anthologie poétique: La foi par la vie. Poète associé par l'UNESCO au programme Culture de Paix, il a été distingué deux fois par le Prix Alfonsina Storni de la Fondation Givré de Buenos Aires (Argentine 1965-1966), deux fois par le Prix de la Revue Sílarus de Battipaglia (Italie 1975-1976). Jaime Choque Mata a obtenu quatre distinctions honorifiques en Espagne : trois à Barcelone et une au Léon (1966-1974). Il a été décoré de l'Ordre National le Condor des Andes en 2007.


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