Poetic-Verses from ATHANASE

CINQ CHUCHOTEMENTS DU COEUR (French)



« I must go to down to the seas again, to the lonely sea and the sky… »

(Je dois m'en aller de nouveau vers les mers, vers la mer solitaire et le ciel…)

          John Masefield

I.

Comme ton chant est bleu ce soir !
Le printemps a lu
Toutes les pages
De ton visage.

Il a fait
De l'écoulement de ton être
Un ruisseau.
Les oiseaux y boivent
De minces gorgées d'eau,
Chantent, jouent et se reposent.

Le monde entier
Vient ensemencer ta langue
De paroles pures

Avec ce goût dense de miel,
De cardamome, de jujubes,
De figuiers
Et d'oranges de Sicile !

Ah ! Comme ton chant est bleu ce soir !


II.

La nuit tombe sur nos épaules
Avec l'infinie délicatesse d'un
Soupir !

Les iris de tes yeux fleurissent
Entre deux tremblements de la brise.

Toi, âme de mon âme,
Aussi près de ma bouche que l'air,
Aussi loin de ma caresse
Que la première étoile !

Ce temps de tristesse soyeuse,
Cet instant de joie vive,
Liesse
A l'odeur de fraises sauvages !

Et cette harpe des sapins
Sous les baisers de l'été
Qui exalte la gnose du silence…

Toi, être pur de mon être,
Mon tendre présent perpétuel !

Toi dont les lèvres
Cherchent à dire l'impossible !



III.

Que reste-t-il de vous, âmes adorées,
Corps sculptés par les mains
Cristallines  de l'aurore,
Sourires printaniers imprimés
Sur les pages opaques des jardins,
Lèvres vierges fleurant
Le thym et les mûres sauvages,
Mains de porphyre à la caresse
Plus tendre que les pétales
Des premiers peirce-neige ?

Un peu de chagrin pur
Sur l'azur des vitres
Embrumés par la tristesse,
Quelques tiges,
Quelques calices de fleurs qui se fanent
Dans des vases violets remplis de larmes,
Des bribes de mots tranchant comme des dagues !

Cette respiration sourde
Des allées
Où nos cœurs se promirent l'éternité !

Et ce chant immortel
Faits  de la lumière sonore
De tant de baisers
Et de tant de soupirs !

          
IV.

Les milans, les sacres et les gerfauts,
Les faucons crécelles
Cisèlent le verre fragile de l'air avec leurs ailes
Largement déployées !

Soudainement ils s'immobilisent
Avec une élégance éblouissante
Pour faire
Le Saint Esprit.

Et toi, les mains jointes sur ta chemise
A la blancheur éclatante,
Tu trembles pour la vie
Des petits oiseaux innocents!

Toi, âme de mon âme, ne sais-tu point
Que la mort est le commencement
D'une longue vie ?
Une ferveur nouvelle ?
Un chant sans fin ni mesure ?

Regarde cette présence vibrante de l'éternité
Dans le pastel du ciel,
Dans l'infinie luxuriance des forêts !

Ô âme, comme les mots
S'arrêtent au bout de la langue transie
Quand l'abîme envahit les cœurs !

Glose :

Milan (n.m.) : du latin milvus. Grand rapace diurne aisément reconnaissable à sa queue fourchue et qui se chassait en haut vol. On distingue le milan royal ou aigle (Milvus milvus) et le milan noir (Milvus milgrans). Milan blanc : busard, circaète. Le milan huit.

Sacre (n.m.) : de l'arabe çaqr, « épervier ». Faucon (Falco sacer) qui ressemble au faucon pèlerin mais en plus clair. Réputé pour sa robustesse et sa docilité. Le sacre se chassait en haut vol.

Gerfaut (n.m.) : du germanique geierfalk, de geier, « vautour » et falke, faucon ». Grand oiseau de haut vol de la famille des faucons (Falco resticolus).

Faucon (n.m.) : du latin falco, « faucon ». Grand rapace diurne, utilisé en haut vol :

-          Faucon lanier : du latin laniare, « déchirer, de la manière dont cet oiseau déchiquette sa proie ». Rapace diurne (Falco biarmicus feldeggi) habitant principalement le sud-est de l'Europe ; espèce difficile à affaiter (dresser) mais jadis appréciée pour le vol (chasse au moyen d'oiseau) de la perdrix.
-          Faucon pèlerin : du latin peregrinus, « pèlerin ». Rapace diurne, le plus employé en haut vol.
-          Faucon royal : faucon niais (capturé dans l'aire /nid de rapace/) élevé en fauconnerie (lieu où sont affaités, les faucons de haut vol), dont les qualités ont pu être développées avec soin.

Faire le Saint Esprit : quand les oiseaux rapaces s'immobilisent en vol pour guetter leur proie, on dit qu'ils font le Saint Esprit.

*** Tous ces termes appartiennent au vocabulaire cynégétique (du grec κυνηγετικος /kunegetikos/, « ce qui concerne la chasse). Art de la chasse.



V.

Mozart, la chambre en fête,
Des fruits enchantés sur la nappe,
Un camélia virginal dans le vase
Et cette musique palatine,
Ce luxe extrême
Des sons parmi les pages
Des livres ouverts !

Cette mélodie
Céleste, ondoyantes, abyssale
Qui frôle de ses caresses l'âme, le corps,
Le regard !

Ce vertige de beauté sur les lèvres !

Et toute cette présence
Des esprits courtois
Délicatement penché sur tes épaules !

Le silence des pénombres sur le plancher !

Ce soir, vêtu de joie, je viens à toi
Pour te dire
Mon amour
Né au bord du printemps !



Glose :

John Masefield (1878-1967) : poète, dramaturge et romancier britannique. Après une jeunesse errante où il fut mousse sur un voilier, époque qu'il évoqua dans Odtaa (1926), il collabora au Spectator et au Manchester Guardian, publiant Les ballades de la mer (1902), puis des Ballades et Poème (1910) d'un grand lyrisme. La critique fut déconcertée par le réalisme cru de ses autres poèmes : La Miséricorde éternelle (1911), La Veuve de Bye Street (1912), Dauber (1913). Son récit en vers sur la chasse, Goupil le Renard (1919), est rempli de réminiscences chaucériennes. La Tragédie de Nan (1909), marquée par le goût de l'horrible, valut à Masefield sa réputation de dramaturge. Il rédigea aussi des récits de guerre, L'Ancienne Première Ligne (1917) et La Bataille de la Somme (1917), et une autobiographie, Une très longue expérience (1952). Il fut nommé poète lauréat en 1930.

          Athanase Vantchev de Thracy


Comment On This Poem --- Vote for this poem
CINQ CHUCHOTEMENTS DU COEUR (French)

850,179 Poems Read

Sponsors