Poetic-Verses from ATHANASE

KORRIGANED (French)


          A Albine

« Eté splendide Eté, qui nourris le Poète du lait de ta lumière »

          Léopold Sédar Senghor          

Gente des sources, gente des fontaines,
Nains et naines, haleine de peur,
Silybes blancs, silles moqueurs,
Gente des sources, gentes des fontaines.

Le cœur ploie, plein d'abeilles,
Gente de miel, filles du soleil,
Mon sang doux s'est forsaigné,
Aiguilles d'or, bluettes des prés !

Force cheveux, œil rouge carmin,
Korriganes, fées malfaisantes,
Epargnez ma langue qui chante,
Force cheveux, œil rouge carmin.

Le cœur ploie, plein d'abeilles,
Gente de miel, filles du soleil,
Mon sang doux s'est forsaigné,
Aiguille d'or, bluettes des prés !

Sorciers, laissez mes mots
Couler bons, frémir heureux,
Je suis hère miséreux,
Sorciers, laissez mes mots !

Le cœur ploie, plein d'abeilles,
Gente de miel, filles du soleil,
Mon sang doux s'est forsaigné
Aiguilles d'or, bluettes des prés !

Indigent, je n'ai rien
Que mon cœur, le cœur de Dieu,
Des sanglots pour dire mieux,
Indigent, je n'ai rien !

Le cœur ploie, plein d'abeilles,
Gente de miel, filles du soleil,
Mon sang doux s'est forsaigné,
Aiguille d'or, bluettes des prés !

Râtelez les grosses gravenches,
Les brochets qui griffent ma chair,
Gente mauvaise, ignoble glaire,
Râtelez les grosses gravenches !

Le cœur ploie, plein d'abeilles,
Gente de miel, filles du soleil,
Mon sang doux s'est forsaigné,
Aiguilles d'or, bluettes des prés !

Menez-les en bas enfers,
Tournez- les en bonnes  bourriques,
Fléaux rudes, gourdins et triques,
Menez-les en bas enfers !

Le cœur ploie, plein d'abeilles,
Gente de miel, filles du soleil,
Mon sang doux s'est forsaigné,
Aiguilles d'or, bluettes des prés !

Dolmens gris, gardez vivant
Celui qui dit son âme
En paroles de source, en flammes
Dolmens gris, gardez vivant !

Le cœur ploie, plein d'abeilles,
Gente de miel, filles du soleil,
Mon sang doux s'est forsaigné,
Aiguilles d'or, bluettes des prés !

Anges et saints, couronne du Christ,
Mon Seigneur, fils de Marie,
Changez en jardins mes cris,
Anges et saints, couronne du Christ!
 
Le cœur ploie, plein d'abeilles,
Gente de miel, filles du soleil,
Mon sang doux s'est forsaigné,
Aiguilles d'or, bluettes des prés !



Paris, le 20 mai 2006

Glose :

Korrigan (n.m.) : du breton korr, « nain », suivi du diminutif ig et du suffixe an. Pluriel breton : korriganed. Le féminin en est korrigane, fée malfaisante. Les préfixes corr en gallois et cor en ancien cornique désignent tous deux un nain.
Parfois appelés poulpiquets, les korrigans sont, dans la tradition celtique, des esprits prenant l'apparence de nains. Bienveillants ou malveillants selon les cas, leur apparence est variée. Ils sont dotés d'une magnifique chevelure et d'yeux rouges lumineux à l'aide desquels ils peuvent ensorceler les mortels. Ils fréquentent les sources et les fontaines.
Au Moyen Âge, on leur attribue avec terreur les ronds de sorcières qu'on trouve parfois sur les prés ou dans le sous-bois. On dit qu'ils y font cercle pour danser à la tombée du jour. Au mortel qui les dérange, il arrive qu'ils proposent des défis qui peuvent se transformer en pièges mortels menant tout droit en enfer ou dans une prison sous terre sans espoir de délivrance. Dans la nuit du 31 octobre, on prétend qu'ils sévissent à proximité des dolmens, prêts à entraîner leurs victimes dans le monde souterrain pour venger les morts des méfaits des vivants. Cette tradition les rattache à la non moins celtique Halloween.

Albine : du latin albus, « blanc ». La sainte patronne des Albine est une vierge romaine, peut-être de la famille du général romain Albinus qui s'était autoproclamé empereur  après l'assassinat de Pertinax (empereur romain : janvier-mars 193 ap. J.-C.) en même temps que Septime Sévère. Vaincu par ce dernier, Albinus se suicida. Elle fut martyrisée à Césarée de Palestine, sous Dèce, à la fin du IIIe siècle. Ses reliques sont enchâssées à Gaète, près de Naples. Fête : le 16 décembre. Prénoms issus du mot latin albus : Alban, Albane, Alba, Albain, Albin, Aubin.

Léopold Sédar Senghor (1906-2001) : poète français né au Sénégal. Léopold Sédar Senghor fait ses études à la mission catholique de Ngasobil, au collège Libermann et au cours d'enseignement secondaire de Dakar, puis, à Paris, au lycée Louis-le-Grand et à la Sorbonne. Il est reçu à l'agrégation de grammaire en 1935. Il est mobilisé en 1939 et fait prisonnier en juin 1940. Réformé pour maladie en janvier 1942, Senghor participe à la Résistance dans le Front national universitaire. De 1944 jusqu'à l'indépendance du Sénégal, il occupe la chaire de langues et civilisation négro-africaines à l'École nationale de la France d'outre-mer.
L'année 1945 marque le début de sa carrière politique. Élu député du Sénégal, il est, par la suite, constamment réélu (1946, 1951, 1956). Membre de l'assemblée consultative du Conseil de l'Europe, il est, en outre, plusieurs fois délégué de la France à la conférence de l'UNESCO et à l'assemblée générale de l'ONU. Secrétaire d'État à la présidence du Conseil (cabinet Edgar Faure : 23 février 1955 - 24 janvier 1956), il devient maire de Thiès au Sénégal, en novembre 1956. Ministre-conseiller du gouvernement de la République française en juillet 1959, il est élu premier Président de la République du Sénégal, le 5 septembre 1960. Le 2 juin 1983, Senghor est élu à l'Académie française au fauteuil du duc de Lévis-Mirepoix (16e fauteuil). J'ai eu la joie d'entretenir une longue correspondance avec ce géant de la poésie.

Silybe (n.m.) : plante, genre de composées, tribu des carduacées, dont l'unique espèce, qui croît dans l'ancien continent, est appelé vulgairement chardon-Marie. Ses feuilles, grandes, marbrées de blanc, la font cultiver comme plante ornementale.

Sille (n.m.) – prononcer sil' : du grec sillos, « louche », « qui regarde de travers ou d'un air railleur ». Sorte de poème satirique et mordant, où la parodie tenait une grande place, et qui était fort goûté des Grecs. Le seul auteur de silles qui nous soit assez bien connu est Timon de Phlionthe, un philosophe sceptique disciple de Pyrrhon (première moitié du IIIe siècle av. J.-C.). Un de ses ouvrages, en trois livres, était intitulé Silles. Nous en connaissons le plan par Diogène Laërce, et nous en possédons des fragments. Cet ouvrage était tout entier une parodie des divers systèmes philosophiques, avec d'amusantes caricatures de philosophes.

Hère (n.m.) : origine douteuse. Homme misérable, sans fortune, sans considération. Nom que l'on donne au faon, le petit de la biche, de six mois à un an, tant que la tête ne porte que de bosses ; après, il devient daguet.

Râteler (verbe) : de râteau, lui-même du latin rastellus, « outil à main (ou mécanique) formé d'une traverse armée de dents et munie d'un manche ». Amasser avec le râteau : Râteler du foin, de la paille. Ratisser, nettoyer avec le râteau : Râteler des allées.

Forsaigner (verbe) : s'écouler abondamment (en parlant du sang).

Gravenche ou gravanche (n.f.) : nom vulgaire d'un poisson (coregonus hiemalis) de la famille des salmonidées. La gravenche est difficile à distinguer de ses proches parents : le lavaret et la féra. On l'appelle aussi féra blanche  et petite féra.

Bourrique (n.f.) : de l'espagnol borrico, « âne ». Âne, ânesse. Têtu comme une bourrique. Faire tourner quelqu'un en bourrique : l'abêtir à force d'exigences, de taquineries, de contrordres (Faire devenir chèvre). Personne bête et têtue.

Trique (n.f.) : du francique °strikan. Gros bâton : gourdin (de l'italien cordino, de corda, « corde » : bâton gros et lourd), matraque (de l'arabe matraq : arme contondante assez courte, généralement de caoutchouc durci).

Brochet (n.m.) : de broche, mot probablement d'origine celtique, « tige de fer que l'on passe  à travers une volaille ou un quartier de viande pour les rôtir. Genre de poisson de la famille des ésocidés, dont le nom scientifique est esoz. Les brochets ont le corps allongé, une large bouche formidablement dentée (700 dents), les nageoires dorsale et anale placées à l'arrière du corps, le museau très déprimé en dessus. Le brochet est un poisson vorace qu'on pêche généralement au vif (ligne amorcée d'un petit poisson vivant, comme gardonneau, petit chevesne, tanchette, goujon, vairon, etc.). Les apprêts du brochet sont nombreux ; parmi les plus courants, citons le brochet au court-bouillon (au bleu quand on mêle du vin rouge au court-bouillon), servi soit avec une sauce mayonnaise soit avec un beurre blanc ; en matelote, etc. ; on en prépare également d'excellentes quenelles.

Glaire (n.f.) : du latin populaire claria, tiré de clarus, « clair ». Liquide clair, filant comme le blanc d'œuf mais plus consistant que le mucus normal, et qui est sécrété par les membranes muqueuses dans certains cas morbides.


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