Poetic-Verses from ATHANASE

SHIKISHI (French)



« Mais on sait le triste sort de cet homme qui demeurait ici :
Comme un rêve il a disparu de ce monde flottant ;
Son nom signifiait pourtant : « Maison éternelle »…
 
Le nô Teika

Je pense au sort de la princesse Shikishi !...
Ô larmes des pétales des cerisiers
Mêlées à mes larmes !

Est-il possible que la princesse
Ait  posé ses frêles pieds
Sur ce même sentier vêtu de printemps
Où je marche ce matin ?

Est-il possible qu'elle ait vu
De ses yeux brûlant d'amour
Cette même montagne
Où pins et lianes s'embrassent
Avec tant une tendresse
Inextricable ?

A présent, sous l'étreinte
De cette dalle
Ornée de mousse mauve
Et scellée par l'exubérant puéraire,
Elle repose
Pour l'éternité !

Ô ciel, comme le temps change de forme,
Comme il rend irréelles la vie et la mort !

Ô chant cristallin des rouges-gorges
Dans la soie verte de l'air !
Chant qui ignore
L'écoulement du monde vers
L'abîme du silence !



          Athanase Vantchev de Thracy

Fleurigny, ce samedi 2 septembre, Anno Domini MMVI

Glose :

Shikishi : Une légende japonaise raconte les relations amoureuses qui auraient uni au XIIe siècle le ministre Fujiwara no Sadaie (1162-1241) et la princesse Shikishi (morte en 1201 ap. J.-C.), fille du 77e empereur du Japon Go Shirakawa ou Shirakawa II (empereur de 1155 à 1158 ; il abdique et meurt en 1192). Shikishi était une grande poétesse et prêtresse shinto. Vu son statut, elle n'avait aucun droit à l'amour terrestre. Mais elle était tombée amoureuse de Fujiwara no Sadaie, qui était un des plus grands poètes de son temps connu sous le nom de Teika, nom qui signifie « Maison éternelle ». Cette légende est la base du nô Teika : Un moine venant des provinces du Nord arrive à l'automne dans les faubourgs de Kyôto. Une averse l'oblige à se réfugier sous l'auvent d'un vieux pavillon abandonné. Une femme du voisinage l'emmène visiter près de là une tombe qui est celle de la princesse Shikishi. Teika et la princesse étant morts, l'amour de Teika s'incorpore à un puéraire qui s'agrippe étroitement à la pierre tombale. La princesse est prisonnière dans sa tombe et tourmentée par un attachement qui persiste et s'oppose à sa progression vers la délivrance finale, vers l'état de bouddha.

Fujiwara no Sadaie avait construit un élégant pavillon appelé  « Maison éternelle » aux alentours de Kyôto où les jeunes amoureux se rencontraient secrètement. C'est là qu'il aimait réciter ses poèmes à  Shikishi. Après la mort de la princesse, Teika, c'est-à-dire Fujiwara no Sadaie, fit élever une stèle funéraire dans le jardin du pavillon. Et depuis la mort de Teika, un puéraire couvrait la stèle.

Après avoir évoqué le passé dans des vers mélancoliques, la femme avoue qu'elle est l'esprit de la princesse et que sa visite au moine n'a d'autre but que de lui demander des prières, pour l'aider dans l'au-delà. Elle disparaît. Le moine compatissant lit des passages de sûtra. La tombe s'ouvre et laisse voir la princesse en somptueux atours. Elle est reconnaissant au moine car désormais l'espérance lui est permise.

Puéraire (n.m.) : plante exotique originaire de la Chine et du Japon. Elle est communément nommée kudzu ou vigne kudzu car elle possède des tiges qui ressemblent à des sarments de vigne et lui permettent de s'accrocher à tout se qui se présente.

Le théâtre nô : le nô est un des styles traditionnels de théâtre japonais, venant d'une conception religieuse et aristocratique de la vie. Ce sont des drames lyriques au jeu excessivement dépouillé et codifié. La gestuelle des acteurs est stylisée autant que la parole qui semble chantée. La paternité du nô revient au fils de Kiyotsugu Kan'ami (1333-1384), Motokiyo Zeami (1363-1443). Acteur dans la troupe de son père, il bénéficie de la faveur du shogun Yoshimitsu Ashikaga, ami de son père. Poussant la stylisation plus loin que ne l'avait fait son père, il impose le yûgen, l'élégance tranquille, comme idéal du nô. Zeami est à la fois acteur, metteur en scène, et auteur prolifique, écrivant tout à la fois des pièces et des essais théoriques qui deviennent les fondations du nô. Il est probable qu'il remanie en profondeur la plupart des pièces écrites par son père, ainsi que les pièces antérieures. Le traité essentiel de Zeami est La Transmission de la fleur et du style (Fushi Kaden), écrit en 1423 et qui reste l'ouvrage fondamental pour les acteurs contemporains.

Sûtra (n.m.) : un sûtra (ou soutra, voire soûtra) désigne ce qu'on nommerait en Occident un « classique », un « canon » ou tout simplement, un « livre ». Il s'agit d'un mot sanskrit - सूत्र sûtra, signifiant « fil » et s'appliquant à des écrits spéculatifs ou philosophiques rédigés sous forme d'aphorismes. Soit l'appellation est métaphorique (ce sont les « fils de la pensée », la « trame des idées »), soit elle est métonymique (on entend : « les fils qui servent à coudre les pages ensemble »). Par métonymie, on nomme aussi sûtra les livres contenant de tels écrits. Enfin, par extension, le terme en vient à désigner toutes sortes de traités, grammaires, analyses. C'est le cas du Kāmasûtra, Livre de Kāma (dieu de l'amour charnel).


Comment On This Poem --- Vote for this poem
SHIKISHI (French)

850,875 Poems Read

Sponsors